marie-hélène le ny

  Infinités plurielles

 photographiste






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J'avais le sentiment que par les livres j'étais reliée au monde, à des expériences d'ordre universel. J'ai fait un bac scientifique pour rassurer mes parents mais je suis allée ensuite en classes préparatoires littéraires et j'ai découvert avec bonheur qu'il existait des études de théorie critique littéraire. J'ai fait une thèse et passé une habilitation à diriger des recherches pour laquelle je me suis intéressée à la figure mythique de Cassandre à travers les âges - comment ce qui était un savoir féminin et un regard féminin sur le monde était systématiquement écarté, comment un regard pacifiste restait inaudible. Il y a toute une partie de la littérature considérée comme majeure qui réactive sans arrêt ce type de stéréotypes, les femmes y sont objectivées, elles sont des muses mais pas des égales, et pas des créatrices. Dans les programmes universitaires, par réflexe, par automatisme, par reproduction paternaliste ou misogyne, on contribue à perpétuer l'invisibilité des femmes.

Je suis comparatiste, c'est une discipline ouverte qui repose sur la confrontation des aires linguistiques et culturelles et qui permet d'aller au-delà des littératures nationales. Ce qui m'a séduite quand je me suis orientée vers ce domaine, c'était le fait qu'on était à la fois aux frontières avec d'autres disciplines, notamment l'histoire culturelle, et en même temps au cœur des études littéraires. Le canon littéraire a été établi majoritairement par des hommes, ce qui implique des phénomènes de minoration et d'éviction des femmes malgré un corpus d'autrices abondant que nous devons exhumer pour faire entendre leurs voix. C'est important de sensibiliser les étudiant·e·s à ces questions, d’être des passeurs. La manière dont on se représente soi-même et dont on se représente le monde est traversée de lignes de fiction dont les mythes témoignent. Le genre est une fiction intégrée à notre insu depuis l'enfance, c'est cette prise de conscience par la déconstruction qui m'intéresse. »

Véronique Léonard-Roques,
Professeure en littérature comparée, Université de Bretagne Occidentale


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