FAIRE BASCULER NOTRE PERCEPTION
DU MONDE.
Chaque pièce s'offre au spectateur
comme un voyage mental.
Promenade bucolique ou périlleuse ascension chacun choisit
sa voie pour
explorer le territoire photographique sur lequel il décide
de s'arrêter. Au
premier regard une forme centrale, ample vision surplombante
d'un lieu
soigneusement choisi pour ses caractéristiques géopolitiques,
plastiques et symboliques.
Ce point de
vue inhabituel
m'intéresse en regard de notre perception
de bipèdes - frontale et très réduite -
balisée par nos possibilités limitées
d’accès aux différents sites d’activités
humaines. Démultiplier nos points
de vue permet nombre de remises en question et de découvertes,
rabotant nos certitudes, distillant à la fois le doute
et la poésie...
Autour de ces
espaces,
des images plus petites - qu'une observation
attentive permet d'identifier (ou pas)- valent pour elles-mêmes
plutôt que
comme références à un espace-temps précis.
J’associe des éléments qui font
écho à des chaînes d’actions humaines
dont certaines accentuent la pression
sur l’environnement et sont plus oui moins délétères
pour le vivant .
Pour les plus
attentifs,
des mots - une phrase, des vers, soigneusement choisis
également - entrent en résonance avec l'ensemble,
tels de petits cailloux posés
sur le chemin du promeneur qui les manipule à sa guise...
Dans ces compositions chacun peut donc élaborer son parcours
dans la
durée, circuler à son rythme, s'arrêter en
un point, se lover en un repli,
s'échapper ailleurs, rêver ou s'interroger...
Objet de convoitises effrénées et insatiables,
la terre restera-t-elle encore
longtemps le territoire de nos jeux, de nos vies et de nos rêves
ou
deviendra-t-elle un jour prochain un [No] Human's Land ?
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UNE EXPLORATION DE LA NOTION
DE TERRITOIRE.
Dans cette série
au long cours, je m'intéresse donc aux usages du territoire
à l'échelle mondiale, questionnant la complexité
des enjeux qu'ilsrecouvrent.
Par le biais d’un travail d'assemblage, j’interroge
la notion même de territoire
- à la fois physique, imaginaire et géopolitique.
Mes premières recherches photographiques m'avaient déjà
conduit à expérimenter la suite et le collage,
avant
de mettre en forme des polyptyques photographiques ou d’assembler
des mots
et des images.
Omniprésentes, les images ont vu leurs effets démultipliés
par l’irruption
des technologies numériques. Celles-ci enregistrent et
diffusent instantanément
tous les instants de nos vies au sein d’un nouveau territoire
virtuel en expansion, envahissant et gros consommateur d’énergies
et de matières premières pour ses “data centers”.
Cela provoque un certain vertige en saturant notre présent
et notre mémoire. Le temps de la contemplation - et celui
de la réflexion - s'accordent mal
avec la frénésie qui saisit de plus en plus “l’homo
numericus”. Chaque image issue d'un passé proche
ou lointain s'oblitère instantanément dans le surgissement
des suivantes. La profusion parasite la nécessité
du choix et de la hiérarchie de ces représentations.
Nos ressentis et émotions se dissolvent dans un nuage
d’impressions fugaces et volatiles.
Associer des images
fixes de natures différentes me permet de composer avec le réalisme
photographique et d’inviter à un arrêt
sur images. Introduisant de la
complexité, je questionne la fragmentation de l'espace-temps
opérée par
le cadrage comme par les frontières. Entrant en résonance,
des points de vue choisis
invitent à explorer quelques plis supplémentaires
de la fabrication du réel
comme de celle de l'imaginaire.
La configuration de nos territoires se transforme très
rapidement. Les
nouveaux modèles agroalimentaires dépossèdent
les paysans et les travailleurs
de la mer de leurs rôles et savoirs traditionnels et fait
chuter leur nombre
au profit d’exploitations toujours plus vastes et mécanisées.
Beaucoup d’entre
eux doivent migrer pour rejoindre les bidonvilles et banlieues
des mégalopoles
- parfois chassés aussi par les bouleversements climatiques.
Dans le
même temps certains urbains gagnent les campagnes... Les
modes de vie, de
consommation et les liens sociaux se transforment. Les communs
disparaissent,
l’urbanisation et la privatisation de la planète
et de ses ressources “naturelles”
s’étendent inexorablement... |