Marie-Hélène Le Ny

Calaveras
2009

 photographiste




   
 

 

 

 
 

" Maux d'images… "

" On estime aujourd'hui que les consommateurs dans les pays industrialisés sont exposés à quelque trois mille messages commerciaux par jour. (…) L'ambition du marketing des années 2000 ne s'arrête plus aux portes du supermarché, elle embrasse le monde. Elle n'a plus seulement pour ambition de promouvoir les bienfaits de la société de consommation, elle veut " produire " une société nouvelle, un autre monde. (…)La consommation comme seul rapport au monde. "

Christian Salmon, " Storytelling " Ed. La découverte, 2007

 

En investissant toutes les sphères de notre vie quotidienne, aussi bien privées que publiques - la novalangue de la communication dérivée de la propagande publicitaire colonise et contamine l'imaginaire collectif et modèle à son profit nos façons de vivre ensemble. Elle tend d'ailleurs à invalider toutes les manières de vivre ensemble traditionnelles qui s'opposent à son expansion mondiale.
Cet imaginaire qui s'est longtemps construit autour des grands mythes fondateurs de chaque civilisation qui y puisait ses valeurs et son mode de vivre ensemble est aujourd'hui colonisé par des puissances marchandes et financières dont la (seule) valeur absolue est l'accumulation d'argent ou de biens. L'ensemble de la vie humaine doit être soumise à cet objectif et chacun doit y souscrire - de préférence " joyeusement " - quitte à ce que cela ait pour conséquence une mise à sac rapide et irréversible de toute la planète.
Pour sembler moins brutales, les méthodes de cette colonisation - le colonisateur prétendant toujours faire le bien du colonisé en dissimulant (plus ou moins) le profit qu'il en retire - nécessitent une contamination du langage, et par-delà des consciences et de l'imaginaire aussi bien personnel que collectif. (cf la place de Disney aujourd'hui dans l'imaginaire enfantin, ses modèles ont supplanté presque partout les récits autochtones.)
Nous sommes généralement conscients des abus de langage du discours publicitaire, de la façon dont il détruit ou détourne à son profit les valeurs de l'humanité, mais beaucoup moins des implications souterraines et à long terme de ces jeux avec les mots.
Provoquant souvent une confusion des différents registres de langage, ils ont tendance affaiblir le sens et la valeur des mots qui peuvent parfois être utilisés pour dire une chose et sous-entendre son contraire. Les messages de propagande -publicitaire ou politique - appuient également leur rhétorique sur une manipulation des images et de leurs codes qui n'a rien à envier à celle du langage et qui renforce, généralement par le biais de la séduction, la colonisation de notre imaginaire et la contamination des vertus fondatrices de la civilisation.

C'est en écho à cette fonction mortifère à long terme que j'ai choisi la forme des calaveras et de l'humour noir. Venant du fond des âges, ce crâne est un sédiment historique, il orne les colombages de l'aître Saint-Maclou à Rouen. Ossuaire au Moyen-âge, il abrite depuis longtemps l'école des Beaux-Arts de la ville où j'en ai fait le moulage il y a quelques années...

Marie-Hélène Le Ny, octobre 2009

 

 
 

 

 

 
 

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