Commandée
à Le Corbusier par l'Armée du Salut, la Cité
de Refuge, a été construite en 1933. Depuis lors
elle abrite des personnes en difficulté et pourvoit à
leur besoins élémentaires. Loger, nourrir et tenter
une réinsertion par le travail sont les trois priorités
de l'équipe socio- éducative de la Cité
qui vient soutenir les salutistes dans leur mission.
L'architecture fonctionnelle de Le Corbusier
vise, dans un ordonnancement remarquable, à ce que chacun
trouve sa place. La rationalité de l'espace contribue
en elle-même à faire respecter un certain ordre
dans une cité qui se veut autonome, et dans laquelle tous
les problèmes liés à la survie matérielle
peuvent être traités. Cette autonomie de la Cité
peut être vécue différemment par ses habitants,
d'une part comme une protection contre le monde extérieur
devenu temporairement hostile, d'autre part comme un enfermement,
une mise à l'écart. Ces deux sentiments peuvent
coexister chez des individus dont les difficultés plus
ou moins provisoires à se prendre en charge de manière
autonome n'impliquent pas forcément un goût pour
la vie en communauté et les multiples contraintes qu'elle
exige de chacun de ses membres.
Le bâtiment,
qui se dresse majestueusement au 12 de la rue Cantagrel, dans
le 13ème arrondissement de Paris, comporte 11 niveaux,
de ses réserves en sous-sol jusqu'au plan terrasse d'où
l'on a une vue très étendue sur tout l'est parisien.
Le hall d'entrée, accessible à tous, distribue
deux parties distinctes dans les étages supérieurs
: l'hôtellerie hommes et l'hôtellerie femmes qui
abritent près de 300 personnes en dortoirs ou en chambres
individuelles. La situation remarquable de la cuisine, dans la
parcelle reliant deux rues de niveaux différents, lui
confère une desserte verticale vers les selfs, et une
desserte horizontale directe sur la rue Chevaleret. Ainsi se
trouvent facilitées les livraisons de tout ce qui peut
être nécessaire pour confectionner plus de 500 repas
par jour. Les sous-sols du bâtiment contiennent également
tous les ateliers nécessaires à son entretien et
à celui de ses habitants (menuiserie, lingerie, électricité,
plomberie etc...).
Enfin,
la cité s'ouvre sur le monde extérieur par le biais
de son magasin, accessible au public, dans lequel sont mis en
vente tous objets et mobiliers récupérés
lors de vidages de caves ou d'appartements, que les travailleurs-hébergés
de la Cité effectuent sur simple demande auprès
de l'Armée du Salut. De nombreux vêtements et bibelots
recueillis ou apportés au magasin par leurs donateurs
y sont également vendus.
La Cité a été,
en octobre 1993, le théâtre d'une exposition destinée
à en marquer le soixantenaire. Le directeur, Monsieur
Denis Lebaillif, avait demandé à un groupe de plasticiens
normands et à ses invités, de réaliser des
oeuvres en rapport avec le lieu et sa fonction d'accueil des
sans-abri. C'est dans ce contexte que j'ai réalisé
six photographies autour des différentes fonctions de
la cité - loger, nourrir, réinsérer par
le travail. Elles sont composées de collages élaborés
avec des photographies prises dans la cité pendant plusieurs
mois, auxquels j'ai superposé des fragments du plan du
bâtiment. Reproduits et agrandis, ils étaient fixés
dans des panneaux Decaux installés aux abords de la cité,
jalonnant le parcours du public vers ce lieu d'exposition inhabituel...