marie-hélène le ny

  Infinités plurielles

 photographiste





 

« Je m'intéresse aux micro-organismes qui vivent dans les roches, un monde d'extrêmophiles où les conditions de température, de pression et de pH sont hostiles. Je les analyse grâce au synchrotron et à la spectroscopie en collaboration avec des biologistes qui regardent leur ADN. Je travaille sur des roches de la lithosphère océanique qui
forment le fond des océans et en particulier sur les roches du manteau
terrestre, appelées péridotites. Quand elles sont au contact de l'eau de mer qui percole par les nombreuses failles et fractures induites par la tectonique des plaques, des réactions chimiques se produisent entre cette eau devenue un fluide hydrothermal - en se réchauffant petit à petit et en se chargeant d'éléments qui constituaient la roche - et les minéraux, transformant la roche en serpentinite. Déstabilisés et oxydés, ils produisent de l'hydrogène et d'autres composés organiques intéressants du point de vue du développement du vivant.

 

Récemment, j'ai participé à une expédition en mer pour aller collecter des serpentinites le long de la dorsale sud-ouest indienne. Nous avons récolté des roches pour étudier les minéraux et micro-organismes qu’elles contiennent. Les premiers kilomètres de la lithosphère océanique étant désormais reconnus comme un habitat microbien, le vivant est une des composantes du système qu'il faut bien comprendre - notamment si on envisage d’y stocker du CO2. Dans un site pilote d'injection de CO2 en Islande, nous avons d'abord fait l'inventaire des communautés microbiennes qui vivaient dans les basaltes islandais à plusieurs centaines de mètres de profondeur, et suivi leur évolution depuis que le CO2 y est injecté. Pour être sûrs que ces stockages soient fiables, nous cherchons à comprendre l'influence de cette vie profonde sur le devenir du CO2. Certaines espèces peuvent avoir un effet important en termes de production de gaz à effet de serre ou de minéralisation du CO2. »

Bénédicte Ménez
Professeure des universités, IPG de Paris, Université Paris Diderot

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