photographiste

« En 1968, je suis étudiante en philosophie à la Sorbonne
- savoir et comprendre était pour moi une pratique existentielle. Mais je n'y vois pas la question des femmes, elle apparaît juste après. Alors que la rue m'appelle, je dois comprendre pourquoi les philosophes ne parlent pas de cette question-là. De cela est né mon premier article qui porte sur les féministes de 1848 - Révolution au cours de laquelle des femmes publient un journal quasi quotidien. Puisque je ne trouve pas l'objet sexe/genre dans la philosophie, je vais vouloir le penser - ou plus précisément dire : Le féminisme, ça pense. J'ai immédiatement voulu démontrer que l'on pouvait construire de la pensée à partir de la question du sort des femmes. En évitant le double piège des philosophies de l'identité et du modèle épistémologique nature/culture, j'ai travaillé depuis quarante ans à souligner qu'il y a une sexuation du monde, que les sexes appartiennent à l'histoire et font histoire.

L'égalité et la liberté sont les concepts de l'ère démocratique. Ces concepts me permettent d'analyser ce qui fait histoire et comment cela fait histoire. L'égalité est non seulement un principe de la démocratie mais un opérateur qui me permet de lire la matérialité politique des questions dites sociales. Analyser les discours d'émancipation renvoie à la construction de la sexuation du monde, et à partir de là, à l'analyse de la domination. Dans les pensées de l'émancipation, il y a de la complexité que je veux restituer en invitant à Voir et savoir la contradiction des égalités. Pascal parle du consentement de soi à soi-même. Il nous dit qu'à l'intérieur de nous-mêmes il y a un espace où l'on peut confronter nos arguments pour trouver l'endroit où l'on sera le plus adéquat à soi. Travailler sur le consentement de soi à soi-même est la meilleure façon de commencer à travailler sa liberté et d'imaginer comment de l'égalité sera rendue possible avec les autres. »

Geneviève Fraisse,
Philosophe, directrice de recherche émérite au CNRS

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